L'architecte Hervé Delatouche est mort le 11 septembre 2016 à Paris, des suites d'un cancer. Il était âgé de 73 ans.
Hervé Delatouche avait obtenu en 1983, en association avec Didier Maufras et lors de sa première édition par Le Moniteur, le prix de la Première Œuvre pour un bâtiment d’habitation parisien, avenue de Saxe, dont le succès critique fut considérable.
Né le 22 février 1943 à Rouen, il était diplômé de l’Institut d’architecture de Saint Luc de Tournai (1967), où il fut élève de Jean-René Dubuisson qui l’accueillit dans son agence pour son premier engagement professionnel (1969-1971).
Cette première expérience, venant après celle de coopérant en République Centrafricaine (1967-1969), le convainquit définitivement qu’il n’avait pas l’âme d’un patron comme il aimait à le répéter. Il décida alors de mettre définitivement son talent au service des agences d’architecture qui l’appréciaient et lui permettaient de vivre sa passion pour l’architecture sans les contraintes de la gestion d’une opération. Une seule expérience de mener, à son compte, le projet d’un bâtiment tertiaire aux Mureaux pour Astrium (2003) lui permit de conclure à soixante ans sa première réalisation en solitaire, tout en le confortant dans la justesse de son choix de carrière initial.
C’est ainsi qu’après avoir travaillé entre 1973 et 1975 à l’atelier Agapitos, il effectua toute sa carrière en alternant ses collaborations entre trois agences parisiennes, celles de Claude Vasconi, de Didier Maufras et de Jean Paul Hamonic, agences où il était sûr de retrouver des amis auxquels il voua une fidélité et une reconnaissance partagées sur plus de trente années.
Chez Claude Vasconi, il fut notamment chef de projet sur le quartier de l’Hautil (1976) à Cergy, sur la salle du CORUM de Montpellier (1985) et sur l'hôtel du département (1987) à Strasbourg.
Chez Didier Maufras, après le retentissant 58 avenue du Saxe (1982), il participa notamment à la réalisation d’immeubles de logements dans les Z.A.C. du bassin de la Villette (1992) et Dupleix (1996), et de sièges sociaux, Norwich Union à Rueil-Malmaison (1994) et Solendi à Saint-Ouen (2008).
Chez Jean-Paul Hamonic, il participa à de nombreux concours et fut chef de projet sur le centre de secours et la DDSIS de Tulle (1995) et le centre de tri postal de Wissous (2005).
Hervé Delatouche était un artiste. Curieux de tout, il avait la culture de l’honnête homme mais aussi le regard critique d’un Claude Lévi-Strauss sur ses contemporains.
Il était musicien, incollable sur le jazz et la musique classique des 17° et 18°siècles, photographe et peintre. Il était surtout un immense dessinateur, et parfois un caricaturiste féroce, à l’égal d’un Cabu qu’il admirait, et auquel, par une troublante convergence, il avait fini par ressembler physiquement, à la fin de sa vie.
Hervé s'est éteint dans une chambre de l’hôpital Necker, à cent mètres du 58 avenue de Saxe qu'il affectionnait.
Quand j'écris qu'il était un immense dessinateur, j'en veux pour preuve son travail d'architecte pendant plus de trente ans, travail qu'il consignait, après réduction, dans des petits cahiers soigneusement rangés par date. Et après 2008, dans les dessins qu'il envoyait quasi quotidiennement à Jean-Paul Hamonic et moi même.
En décembre 2014, il nous fit beaucoup rire avec une série sur les peintres :
Hervé aimait se mettre en scène, et cette dernière série de dessins lui avait donné l'occasion de cet autoportrait "à la manière de"
Sa ressemblance physique avec Cabu lui avait donné l'occasion de cet impossible tête-à-tête
C'était peu de temps après le 5 janvier 2015, et les manifestations de catharsis populaire qu'il ne partageait pas, quand je les trouvais pour ma part nécessaires à sauver dans la mesure du possible la cohésion sociale.
Heureusement, Hervé avait le sens de l'humour et savait gommer lui même le côté obscur de sa personnalité , dans ses rapports avec ses amis
Et une constante de nos échanges était de se "réconcilier" sur le dos du "grand homme" en cette année du cinquantenaire de sa mort pour railler son comportement misogyne
Hervé me manque déjà.